Dans ce monde où vit Jonas, tout est organisé et anticipé. Chaque année, les enfants suivent un rituel précis qui traduit leur progressive autonomie : vêtements ouverts devant, poches sur le vêtement, coupes de cheveux, vélo plutôt que doudou, ... Puis vient la cérémonie des 12 ans. Chaque enfant connaît alors sa mission de vie consacrée aux enfants, aux adultes, aux anciens, à la communauté.
Quelle surprise pour Jonas de n'être pas seulement choisi mais sélectionné pour être le prochain passeur de mémoire. Son instructeur est l'actuel passeur qui lui transmet ses souvenirs d'une époque révolue et intrigante: une période où le chaos et le libre arbitre généraient de fortes sensations, de l'enthousiasme mais aussi de la souffrance. Jonas se passionne pour cet enseignement. Toutefois, il apprend que l'enfant qui avait été sélectionné précédemment pour devenir passeur, a préféré "être élargi". Quelle drôle d'expression? Où vont les hommes quand ils quittent la communauté? Jonas décide de faire face au passé et de refuser les illusions confortables de son monde de terne rationalité. Premier acte de son émancipation : il arrête de prendre la pilule qui refrène le désir. Et la disparition des parents, la mort des enfants, sa propre mort, qu'en pense-t-il? Jonas a une famille parfaitement investie dans la communauté qui répond à ses besoins avec application. Mais la perfection exclut-elle l'amour et la vérité, ou même un minimum de franchise? Peut-on choyer un enfant et le tuer s'il est imparfait? Que veut faire son père à son petit-frère inadapté? Peut-on élargir un bébé qui pleure parce qu'on a tout fait pour le calmer ? Jonas doit choisir de rester dans le mutisme et le mensonge ou de partir loin de ceux qu'il a appris à aimer. J'ai choisi de lire ce livre car je suis allée, moi aussi, découvrir l'exposition "Louise Bourgeois: Moi, Eugénie Grandet". Une oeuvre déconcertante de petits points et de fils tendus, fragiles, féminins et désuets. Un roman sur l'adolescente en déséquilibre. Quelques mots de Louise Bourgeois ... «{ I have never grown up / I am standing near the window (…) /I have spent my life waiting / I have spent my life washing / dishes and vegetables (…) / I have spent my life / smelling the burning of the stove / and listening to the starting of the refrigerator (…) / I am not stupid I am only unhappy} » Et comme l'héroïne du roman, nous pourrions aisément sombrer dans une crise d'angoisse. En effet, la jeune et fragile Alice accompagne Anne-Louise, sa sœur gracieuse et lumineuse, à cette exposition. Une crise de spasmophilie plus tard et Alice décide de découcher, de couper le cordon ombilical qui la relie...à sa sœur! Faute de mère, choisissons la sœur. Elle embrasse Alphonse un jeune adolescent délaissé par des parents trop occupés par leur propre vie pour élever un fils : il le laisse pousser au milieu des fleurs de la boutique de fleuriste. Alice découvre l'amour alors qu'elle prend conscience que sa mère l'a abandonnée. L'enfance cesse quand on commence à être lucide sur l’honnêteté de certains parents et lorsqu'on devient compréhensif avec sa grand-mère acariâtre. Le père constate que sa fille a changé et il s'interroge sur le rôle que jouent les parents dans l'épanouissement de leurs enfants: spectateurs ou responsables? Et si Eugénie, c'était la grand-mère qui a contaminé toute la famille de sa mélancolie d'amoureuse éconduite? Il se peut alors qu'on sorte la tête de son délire narcissique pour aider ses amis, d'autres fils abandonnés, l'un d'eux, Max qui hurle sa souffrance dans la mise en scène de "La Cerisaie" de Tchekov. Refoulement, défoulement, sublimation, création artistique! Le chemin se dessine comme s'entrecroisent les points d'aiguille de Louise Bourgeois. Jeune Irlandaise de Dublin, Nora est douée pour le piano malgré ses origines modestes et son père alcoolique qui désespère sa mère.
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AuteurChristelle Abraham Valette Catégories
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January 2015
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