Une soirée magnifique d'émotions et d'interrogations! Pour un oui pour un non de Nathalie Sarraute mis en scène par René Loyon. Au théâtre Lucernaire, Jacques Brücher et Yedwart Ingey interprètent deux amis qui se retrouvent, face à face, après un différent qui peut sembler anodin: un échange de mots ou plutôt l'intonation d'une phrase, le ressenti de la ponctuation dans le message qui tue la connivence, les maux. Un procès s'organise pour traquer l'assassin: l'implicite. L'un pourrait ressembler à Rousseau, l'autre à Voltaire. L'un se vit en marge de la société, en artiste maudit, et l'autre incarne peut-être l'intellectuel qui n'a pas manqué de vivre tout en menant ses recherches. Chacun dévoile que l'amitié est ténue dès qu'elle s'aventure sur le chemin de la connaissance ou de la sociabilité. Le désir mimétique guette, épie ce que l'autre "fera de bien". "C'est bien, ça". La mise en scène de René Loyon s'articule autour du déplacement de deux chaises dont l'une reste un moment suspendue au bras d'un des deux amis. Les chaises, les fauteuils, les promenades, l'escalade où l'on partage ses idées avec son ami, où l'on refait le monde. Peut-on interrompre le mouvement de l'amitié? S’asseoir pour en débattre? Arrêter son ascension pour contempler le paysage sans tuer l'amitié, sans "rompre"? Quel paysage voient les amis? Leur univers commun dévoilé ou la place des autres, des copains? Perd-on son ami parce qu'il est en présence de ses copains, de ses collègues, de sa famille ou de ses voisins? Que se passe-t-il quand votre ami ne vous parle plus qu'en des termes que vous "pouvez" comprendre "entre guillemets". Les autres, absents de la scène, voix-off, non-sens,... les amis les entendent mais peuvent-ils s'entendre encore ? Peut-être la réponse du metteur en scène à Nathalie Sarraute est-elle dans le dialogue des deux voix mélancoliques (deux cordes qui vibrent sous l'archet) qui s'entremêlent dans la Chaconne de Bach. |
AuteurChristelle Abraham Valette Catégories
All
Archives
January 2015
|